Les échanges africains devraient se concentrer sur les petites entreprises
Par Nonkululeko Nyembezi-Heita, Présidente de Johannesburg Stock Exchange (JSE)
Bien qu'il existe 29 bourses réparties sur 27 pays africains, beaucoup n’offrent toujours pas la liquidité suffisante pour attirer des niveaux significatifs d’investissement
La croissance africaine ne vit plus un conte de fées. Au cours des dix dernières années, des sociétés multinationales, des fonds d’investissement privés et des programmes de développement des infrastructures ont canalisé les capitaux vers le continent, réalisant son véritable potentiel, mais à l’instar des marchés les plus émergents, l’Afrique n’est plus au « goût du jour ».
Ceux d'entre nous qui dirigent des marchés de capitaux en Afrique sont obligés d'admettre que seule une petite partie du flux d’investissement global consacré à cette région passe par le biais de nos plates-formes. Bien qu'il existe 29 bourses réparties sur 27 pays africains, beaucoup n’offrent toujours pas la liquidité suffisante pour attirer des niveaux significatifs d’investissement. Il s’agit d’un obstacle difficile à surmonter, car le manque de liquidité ne peut être résolu que grâce à des niveaux plus élevés d’investissement sur nos bourses. Bon nombre de nos bourses doivent encore réaliser l’importance de fournir des informations précises et à jour concernant le marché. Ce manque d’informations rend les investisseurs plus réticents à investir sur le continent et perpétue l’opinion que l’Afrique demeure le « continent noir ». Une plus grande liquidité, un meilleur accès aux informations et une réglementation favorable susciteront davantage l’intérêt des participants des marchés étrangers, car nous sommes en concurrence avec d’autres marchés émergents et frontaliers en ce qui concerne les flux d’investissements locaux et internationaux.
Le rôle des bourses africaines ne se limite certainement pas à fournir aux investisseurs étrangers un point d’entrée potentiel sur le continent. Nos marchés fournissent des plates-formes permettant aux entreprises de mobiliser des capitaux pour financer leur croissance et leur expansion, et peuvent donc jouer un rôle vital pour stimuler et soutenir la croissance économique.
Toutefois, pour que les marchés financiers influencent de façon significative la croissance et le développement économiques, nous devons adopter une approche vraiment inclusive. Nos marchés ne peuvent pas être accessibles uniquement aux grandes entreprises. Bien que les grandes entreprises contribuent largement à l’économie, elles ne représentent pas cette dernière dans son intégralité. Les prix des actions de ces groupes ne reflètent souvent pas la réalité économique vécue par la plupart des Africains et dans laquelle ils essaient de créer des entreprises. La réponse de JSE (www.JSE.co.za) à ce défi consiste à réorienter le continuum de financement afin de fournir des plates-formes de collecte de capitaux aux petites et moyennes entreprises, qui constituent le véritable moteur de nombreuses économies en développement.
En 2003, JSE a créé la plate-forme AltX permettant aux entreprises de se développer sur un marché hautement réputé, tout en fournissant également aux investisseurs une meilleure visibilité sur ces entreprises dans un environnement réglementé. À l’heure actuelle, 61 sociétés sont cotées sur la plate-forme AltX et elles représentaient une capitalisation boursière totale de 39,19 milliards de rands en date du 21 novembre 2016. Depuis le lancement d’AltX il y a 13 ans, plus de 29 compagnies ont migré vers le Main Board de JSE, démontrant ainsi que la plate-forme AltX est un catalyseur de croissance. Nous travaillons également sur un projet visant à aider les entreprises encore plus petites que celles de notre offre AltX à mobiliser des capitaux. Cela permettra à ces entreprises de développer leur rôle dans l’économie réelle.
Le développement de plates-formes répertoriant les petites et moyennes entreprises sur l’ensemble des marchés africains permettra également aux investisseurs privés d’envisager l’inscription comme un moyen efficace de réaliser un retour sur investissement. Cela signifie que le développement des marchés boursiers n’encouragera pas seulement l’investissement à travers les bourses, mais également sur l’ensemble de l’économie réelle. Le processus d’inscription peut également contribuer au développement de l’entreprise grâce à l’encouragement d'une plus grande transparence et d'une meilleure gouvernance d’entreprise.
Les moyens de rapprocher les places boursières et les petites entreprises sera l’un des principaux sujets abordés ce mois-ci dans le cadre de la Conférence et de l’Assemblée annuelle de l’African Securities Exchanges Association (ASEA). Le thème de la conférence de cette année, qui aura lieu à Kigali au Rwanda, est La voie vers 2030 : Améliorer la pertinence des marchés de capitaux africains par rapport à l’économie réelle. Cet événement annuel clé du secteur des marchés de capitaux africains permet aux marchés de discuter de la façon d'améliorer l'efficacité des bourses africaines, afin qu'elles puissent jouer un rôle plus important dans la mobilisation des capitaux permettant aux entreprises africaines de mener nos économies sur la scène économique mondiale.
Nous ne pouvons pas nier que l’Afrique connaît actuellement des niveaux inégaux de croissance économique, mais certains marchés présentent toujours une bonne croissance dont nous devons profiter. Le monde doit relever des défis sur de multiples fronts : la Réserve fédérale des États-Unis poursuit son resserrement monétaire, l’Europe a du mal à gérer les migrants et la crise de la dette, la stabilité financière de la Chine est mise en doute. Tout ceci pèse sur les économies émergentes.
La plupart de ces influences échappent à notre contrôle. Mais ce qui reste sous le contrôle de l’Afrique est la possibilité de créer un environnement dans lequel les petites et moyennes entreprises peuvent prospérer. Le changement d’orientation des grandes entreprises vers les plus petites entreprises n’est qu'une progression naturelle dans l’évolution des marchés de capitaux, car il s’agit d'entreprises qui créent des emplois, stimulent l’innovation et poussent l’économie africaine en avant malgré des obstacles tels qu'une croissance mondiale affaiblie et une baisse des prix des matières premières.
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